• Chapitre 4

    — Laédia, répétai-je dans un murmure à peine audible.

    Il me semblait très bizarre de mettre un nom sur son visage, comme si pour moi, elle était destinée à ne pas en avoir, étant donné son statut. Elle restait pour moi une créature étrange, et c'est sûrement ce qui me fascinait tant.

    — Tu as l'air étonné, mon prénom te dérange ? Ou est-ce le fait que j'en ai un tout simplement ?

    — Euh... non c'est... Rien désoler, marmonnai-je.

    Elle avait raison, lisait-elle dans les pensées ? Je me posais tellement de questions à son sujet que même ses réponses ne parviendraient pas à satisfaire ma curiosité, plus elle m'en disait, plus je voulais en savoir, elle n'avait pourtant pas dit grand chose jusque là.

    Je la dévisageais, elle fit la même chose puis fini par sourire. Malgré les cernes sombres que l'on pouvait distinguer sans peine sous ses yeux, ce sourire illumina son visage, elle avait l'air plus humaine que n'importe qui, mais après tout, nos ancêtres l'avaient été.

    — As-tu fais exprès de te montrer ? finis-je par lui demander.

    — Oui et j'ignore ce qui m'y a poussé, au fond de moi, je te devais une explication, hésita-t-elle.

    — Mais pourquoi? Suis-je le premier à te surprendre? lançai-je.

    — Non, mais toi tu es différent, tu n'as pas paru dégoûté de moi une seule seconde, tu n'as pas protesté quand je t'ai demandé de ne pas intervenir, mon apparition de cette nuit est pour moi une façon de te remercier, probablement, me dit-elle.

    — Parce que je ne te reverrai jamais ? lâchai-je soudain angoissé par cette idée, pour je ne sais quelle raison.

    Elle captivait toute mon attention, je n'arrivais pas à penser à autre chose ni à mettre de l'ordre dans ma tête. Il était clair pour moi qu'elle ne se débarrasserait pas de mes questions si facilement.

    — Pourquoi aurais-tu envie de me revoir ? Je suis l'objet de la chasse que vous menez, toi et les autres gardiens, depuis que nous avons été découverts, j'avais même peur que tu n'hésites pas à me tuer si je me montrais alors que n'importe qui d'autre à ta place l'aurait fait.

    — Tu n'es pas comme les autres spectres, tu ressens des choses, la peur toute à l'heur, la colère l'autre nuit, la joie quand tu as souris, tu as quelque chose de plus, comme si tu n'avais pas achevé ta transformation.

    — Parce que c'est le cas, j'ai fais en sorte qu'elle s'arrête à ce stade précis.

    — Mais comment ? Tout ça me dépasse complètement, c'est comme si tout ce qu'on m'avait appris sur vous s'effondrait parce que j'ai découvert ton existence !

    — Je te l'ai expliqué, ma colère a fait que j'ai gardé ma part d'humanité parce que je désirais ressentir toutes les autres émotions afin de mieux pouvoir me venger.

    Je ne relève pas la fin de sa phrase, incapable de penser en la voyant ainsi qu'elle pouvait faire du mal à quelqu'un, alors que j'y avais assisté une semaine auparavant.

    — Je ne peux pas le croire, ce n'est pas possible, affirmai-je en haussant le ton de ma voix sans m'en rendre compte.

    — Est-ce que j'ai l'air d'un rêve ? me lança-t-elle tout en haussant ses sourcils.

    — Mais mets-toi à ma place, c'est complètement dingue ! criai-je.

    — Arrête de crier on va nous entendre ! chuchota-t-elle.

    — Non je n'arrête pas, tout ça est complètement dingue ! criai-je encore en me passant nerveusement la main dans les cheveux.

    — Hayden calme-toi ! me dit-elle, posant ses mains sur mes épaules afin de me maintenir en place.

    L'entendre prononcer mon prénom me serra une nouvelle fois le cœur. Mais le contact de ses mains sur mes épaules fit se répandre en moi une douce et apaisante chaleur. Je me calmai, immobile, la regardant.

    — C'est toi qui as fait ça ? dis-je, surpris mais maintenant calme.

    — Quoi donc ? me dit-elle en enlevant ses mains.

    — Je n'ai pas pu retrouver mon calme tout seul tu as bien du faire quelque chose ! lançai-je en recommençant à m'énerver.

    — Mais non je n'ai absolument rien fais, et ne recommence pas à crier, moi aussi je peux hurler !

    Elle avait dit cette dernière phrase en criant. Je réfléchis à toute vitesse. Comment pouvait-elle avoir un tel effet sur mon esprit, et maintenant sur mon humeur, et sur mon corps. Je me souvins soudainement que lorsque je l'avais vu l'autre nuit, son regard m'avait paralysé.

    — Tu produis un drôle d'effet sur moi. J'ignore comment tu t'y prends mais il faut que tu cesse de le faire immédiatement !

    Elle me regarda, l'air offensé puis se mit en colère.

    — Tu délire complètement je ne produis aucun « drôle d'effet» sur toi, je ne suis pas une sorcière, je suis juste différente, ne me rend pas responsable de ce qui se passe dans ta tête !

    — C'est pourtant ta faute si je délire comme tu dis, rien ne me préoccuperai si je ne t'avais pas vu la semaine dernière !

    Elle s'avança vers moi et me poussa. C'était quoi son problème au juste ? Avant même de pouvoir obtenir une réponse, une nouvelle vague de chaleur m'envahit au contact de ses paumes, m'apaisant et détendant mes muscles contractés par la colère. À voir sa réaction, cette fois elle l'avait senti aussi.

    — Je suis désoler... J'ignore comment j'ai fais ça, me dit-elle, surprise.

    — Grâce à un simple contact, comment c'est possible ?

    — Je n'en sais rien, jamais rien de tel ne m'était arrivé jusqu'à présent...

    — As-tu déjà établit un contact physique avec quelqu'un avant ?

    — Non, je ne crois pas, répondit-elle après avoir réfléchit un instant.

    — C'est assez étrange...

    Nous nous regardons durant quelques seconde, songeant tous les deux à ce qui venait de se passer. Une idée me vint en tête.

    — Tends ta main, lui dit-je, faisant moi-même le geste, dirigeant me paume vers elle.

    — Qu'as-tu donc en tête ? dit-elle en joignant sa paume à la mienne.

    Rien ne se produisit. Elle me dévisagea, l'air de vouloir se moquer. C'est lorsque nous décollons nos mains l'une de l'autre que quelque chose se passa. Une sphère blanche d'un éclat éblouissant apparu, éclairant nos deux visages dans la nuit. Plus nous élargissions l'espace entre nos deux mains, plus elle gagnait en masse, jusqu'à se diviser en deux, l'une restant sur ma main, et l'autre sur la sienne. Je la regardait, elle avait l'air horrifiée, je me sentais pourtant si bien, était-ce la sphère qui créait cet effet ? Le sentait-elle, elle aussi ? Elle frappa brusquement ses deux mains l'une contre l'autre et les deux sphères disparurent.

    — Pourquoi as-tu fais ça ? Tu n'as pas sentis son effet apaisant ?

    — Si...Justement je l'ai senti... dit-elle terrifiée.

    — Alors où est le problème ?

    — Tu ne peux pas comprendre, désoler, je dois m'en aller, fit-elle en se retournant.

    — Laédia !

    Le fait d'avoir prononcer son prénom à haute voix me fit le même effet qu'à elle, car elle se retourna, étonnée. La peur s'étant un peu estompée de ses traits.

    — Reviendras-tu me voir ?

    J'ignorais pourquoi, mais je ne souhaitais pas en finir ainsi.

    — C'est toi qui m'a trouvée, répondit-elle avant de disparaître.

    «C'est toi qui m'a trouvée.» Qu'est-ce que cela signifiait ? Que je pourrais la retrouver à chaque fois que je le souhaitais ? Elle était parti, cependant, l'effet de la sphère ne s'était pas évaporé avec elle, je le sentais encore, si doux.

    Après un long moment de réflexion assis sur le banc où elle était assise quand je suis arrivé, je me levai enfin et décidai de rentrer avant que Stann ne s'aperçoive que j'étais partis.


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